Avant tout, il faut d'abord définir le concept. Après de nombreuses lectures, nous proposons de retenir la définition suivante : le détroit est un seuil maritime étranglé (largeur inférieur ou égale à 20 milles marins), approprié par les Etats riverains selon la règle du partage par l'équidistance et qui admet le passage en transit sans entrave de tout navire ou sous-marin étranger.
Pendant des siècles, seules les terres émergées furent
convoitées par les hommes, même si, dès le Moyen âge, les travaux de poldérisation, par exemple
dans la plaine flamande et picarde, traduisaient l'intérêt des moines, des seigneurs
et des communautés rurales pour la conquête de nouvelles terres au détriment
des eaux. L'idée de frontière maritime semblait impensable, encore que, très
tôt, les Etats aient senti le besoin d'assurer la maitrise des eaux riveraines.
Aujourd'hui, les frontières maritimes, indicateurs
d'un véritable processus d'appropriation des mers et des océans, sont de plus
en plus nombreuses. Les transformations de plus profondes enregistrées par le
droit public maritime depuis un quart de siècle traduisent à la fois un élargissement et une complexification de la
juridiction des Etats riveraines sur les espaces maritimes. Désormais, on parle
d'eaux territoriales, de zones économiques exclusives, de zone de pèche
exclusive, de haute mer. Ce processus d'appropriation se manifeste dès la fin
de la seconde guerre mondiale et surtout dans les années 1970; les grandes
puissances maritimes, ainsi que de nombreux pays du Tiers-Monde, on
progressivement accaparé des espaces maritimes en songeant aux richesses qu'ils représentant. Après de longues et
difficiles négociations, la Troisième conférence des Nations Unies de Montego
Bay adopte le 10 décembre 1982 une convention sur le Droit de la mer. Entrée en
vigueur le 16 novembre 1994, elle est comme une première constitution universelle
de la mer. Elle abouti a une étatisation des espaces maritimes, alors que les
échanges (dont une grande part s'organise
sur des voies maritimes) se mondialisent.
A partir de cette introduction nous allons poser la
problématique suivante : Dans quelle mesure les détroits représentants
un intérêt géo-stratégique pour les
Etats et quelle sont les difficultés relative aux détroits ?
A fin de
répondre a cette problématique nous allons voir dans un premier temps (I)
la présentation générale des détroits et dans un deuxième temps (II) les
difficultés relatives aux détroits.
I - Présentation
général des Détroits
A – spécificité
géographique des détroits
Un détroit est un bras de mer étroit, plus ou moins
resserré, entre deux terres qui met en relations deux étendues maritimes. Il
peut relier deux océans (détroit de torres, détroit de Malacca), un océan et
une mer (détroit de Gibraltar), une mer à une autre mer (détroit danois) mais
aussi deux continents (détroit de Gibraltar, du Bosphore ou de Behring), un
continent à une ile (détroit de Malacca, détroit Formose, détroit du Pas de
calais ou une ile à une ile (détroit de Bonifacio, détroit des archipels des philippines et de l'Indonésie).
Dans le droit maritime, une distinction est faite
entre un détroit intérieur et un détroit international. Un détroit
international lorsqu'il relie une zone de hautes mers à une autre zone de hautes mers ou à la mer territoriale
d'un Etat étranger et s'il est utilisé pour la circulation internationale. Un
détroit qui sert exclusivement à la navigation interne d'un Etat ou qui est peu
fréquenté est donc domestique. Leur statut peut change dans le temps : avec le
réchauffement climatique et la fonte des glaces, les détroits arctiques
canadiens et russes pourraient devenir des détroits internationaux. Dans les
deux cas, mais de façon un peu différente, ils soulèvent la question de
l'intégration nationale. Un détroit est une ligne de discontinuité, une coupure
territoriale que de nombreux Etats
cherchent à effacer en multipliant
les connexions maritimes (ferries, traversiers, transrouliers) ou en
construisant des liens fixes (pont, tunnel). Dans un détroit international, la
question de la souveraineté nationale
est plus délicate : même s'il est inclus dans ses eaux territoriales, les Etats
riverains sont contraints d'appliquer
les principes de la liberté de circulation maritime et de respecter la Convention de Montego Bay de 1982 : libre
passage des navires et flottes navales, interdiction d'imposer des péages,
obligation d'y d'assurer la sureté et la sécurité de la navigation. Par
ailleurs, de nombreux détroit fixant les frontières car ils sont a priori une
frontière physique au même titre que les fleuves ou les chaines de montagnes. Quand deux Etats sont
séparés par un plan d'eau de moins de 24 milles de largeur, le partage du
détroit s'effectue en général selon la règle du partage par l'équidistance. La
frontière maritime d'un détroit est
cependant distinct d'une
frontière terrestre car elle ne peut
être réduite a une ligne, elle a une certaine
épaisseur mais aussi une profondeur, il est possible de la traverser mais aussi
de la suivre dans sa largeur. De plus, la mer n'est pas un vide et malgré des rivalités
ou des conflits politiques, les Etats riverains sont contraints d'en tenir
compte et parfois de collaborer afin de gérer cet espace fragile : risque de
pollution, de surpêche ou encore de destruction des écosystèmes.
B – le rôle stratégique et essentiel des détroits
Un détroit a des fonctions ambivalentes, puisqu'il assure à la fois une
séparation et une mise en contact dans les deux directions, activités
économiques, accumulations démographique, apparition de grands organismes
portuaires.
En raison de l'éloignement géographique des zones de
production des zones de consommation, en
considère qu'environ 50 % de la
production d'hydrocarbure est échangée dans
le monde, dont 80 % par voie maritime.
Le transport maritime est essentiel pour l'acheminement
des hydrocarbures et permet d'assurer environ 50 % des besoins des Etats Unies, 70 % de l'Europe et pratiquement la totalité pour des pays
comme la France ou le Japon.
Les détroits et les canaux sont, à ce titre des voies
de passages privilégiées voir incontournables pour les flux énergétiques, et ce
pour plusieurs raisons :
. Ils permettent de raccourcir considérablement les
trajets maritimes et les délais;
.Ils constituent souvent le seul point de sortie
maritime pour l'évacuation des ressources énergétiques;
. Les flux énergétiques y sont dense et le trafic
maritime croissant;
. Ils bénéficient d'une surveillance accrue.
Généralement,
il existe quatre détroits dans le monde dit d'intérêt stratégique pour le transit du pétrole :Ormuz, Malacca,
Bab EL- Mandab et le Bosphore. Deux
canaux jouent également un rôle essentiel, il s'agit de Suez et de Panama.
Enfin, on peut dire que les détroits ont une
importance considérable parce qu'ils représentant une solution ou une porte pour certains Etats presque ou
entièrement enclavé. En plus, les détroits
internationaux offrent des avantages (libre passage des navires et flottes
navales et obligation d'y d'assurer la sureté et la sécurité de la
navigation) aux Etats utilisateur de l'espace maritime puisqu'ils ont un statut
juridique qui les règlemente cet espace maritime vitale.
II - les
difficultés relatives aux détroits
A – la nature des
difficultés liées aux détroits
Aujourd'hui, profitant de la proximité des deux rives,
de nombreux trafics de contrebande et flux illégaux traversent l'étroit canal.
Les narcotrafiquants, les contrebandiers, et les clandestins ont remplacé les
pirates et les corsaires d'hier. Les différents trafics, propres aux zones
frontalières, ont contribué à transformer
le détroit en une zone de non droit, un gigantesque marché
tiers-mondiste, un entonnoir qui capte et redistribue sur l'ensemble de l'Europe les flux illégaux en provenance
du Sud. Alimentés par le préside de Ceuta et par la colonie britannique de Gibraltar,
ces trafics répondent à une logique d'offre et de demande :
Le cannabis, le kif du Rif, contribue à la stabilité
économique et sociale du nord du Maroc et alimente les réseaux mafieux de la
Costa del sol qui le redistribuent à travers l'espace Shengen, la contrebande
autour de Ceuta assure les revenus nécessaires à l'économie morose du préside et à la province de Tétouan, et
enfin, les clandestins africains, en
diminuant l'effectif de chômeurs de leurs pays, constituent une soupape
économique, mais aussi une main-d'œuvre utile et peu couteuse pour la culture
maraichère sous serre d'Andalousie.
Le détroit de
Gibraltar apparait comme un point de passage obligé pour les filières de l'immigration clandestine. Sans oublier
que les difficultés et menaces liées au
transport maritime et à l'exploitation des ressources, la pollution des mers et
des littoraux est la plus visible et dangereuse pour les espaces maritimes. Les
marées noires entrainent des conflits
d'usage entre compagnies pétrolières, pêcheurs et riverains des littoraux.
Enfin, il y a les difficultés relatives aux conflits
territoriales comme c'est le cas du Maroc et l'Espagne sur quelques ilots.
B – Gibraltar à titre d'exemple de détroit
Né d'une déchirure terrestre que les mythes ont
magnifiée, le détroit de Gibraltar a conservé à travers les siècles un statut
de point nodal dans la géostratégie et géopolitique mondiale. Porte océan entre
l'atlantique et méditerranée, mais aussi
porte transversale entre l'Afrique et l'Europe, le détroit cape et polarise les
flux transméditerranéens. Avec seulement 13 kilomètres qui séparent les deux
continents, il est le point de passage le plus étroit de la méditerranée, mais
aussi l'une des frontières les plus
inégalitaires au monde. Alors que dans d'autres régions, la proximité favorise
la convergence économique, l'écart de développement entre les deux rives ne cesse de croitre : le
PIB par habitant espagnole représente
aujourd'hui quinze fois celui du Maroc alors qu'il n'était que quatre fois
supérieur il y a trente ans.
Par définition, un détroit fait communiquer deux
espaces maritimes et des terres rapprochées, le détroit de Gibraltar est avant
tout un lieu de passage, on ne peut pas considérer son analyse en se limitant uniquement
à ses deux rives. Le contrôle d'un détroit n'a aucun sens signification si on
ne le perçoit pas comme un espace plus large et plus ouvert, un véritable
carrefour. Appliquer une politique de
fermeture à un tel espace n'a de sens seulement
si on considère sa fonction polarisante au- delà de ses limites, en
amont et en aval des flux qui le parcourent. Dans la géopolitique actuelle et
de par sa position géographique, le détroit de Gibraltar s'est imposé comme le
point nodal des flux migratoires euro-africains, mais aussi comme la centralité
du partenariat euro-méditerranéen et de la politique frontièrisation de Shengen. Depuis que l'Union Européenne
verrouille les frontières, sa politique migratoire se diffuse depuis le détroit
sur l'ensemble du Maghreb, repoussant
un peu plus encore les migrants en accentuant le mythe de la forteresse
assiégée.
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